Le défi concurrentiel : l’Europe face au reste du monde
La France, malgré un prix de l’électricité historiquement compétitif grâce à son parc nucléaire, pourrait perdre cet avantage avec la fin programmée de l’Arenh après 2025. À l’échelle européenne, la situation est encore plus préoccupante : les coûts énergétiques y sont bien supérieurs à ceux des États-Unis ou de la Chine. En 2023, le gaz coûtait environ 40 €/MWh en Europe, contre seulement 10 €/MWh outre-Atlantique. Cette disparité résulte de facteurs structurels, tels que des infrastructures américaines surdimensionnées et une régulation fédérale favorable.
L’impact est évident : des coûts de production bien plus faibles dans les industries énergivores américaines, donnant à ces dernières un avantage décisif sur leurs homologues européennes.
Des pistes pour une industrie plus résiliente
Pour sécuriser l’industrie française face à ces défis, plusieurs leviers doivent être actionnés :
Miser sur des contrats à long terme
Le recours accru à des contrats énergétiques de long terme pourrait stabiliser les coûts, notamment en découplant les prix de l’électricité et du gaz sur le marché européen.
Maximiser l’atout nucléaire
Alors que la France bénéficie d’un mix électrique parmi les plus décarbonés au monde, la modernisation et la prolongation des infrastructures nucléaires apparaissent indispensables. Une révision stratégique du modèle post-Arenh pourrait garantir un approvisionnement stable et compétitif.
Investir dans l’efficacité énergétique
La réduction de la consommation énergétique est impérative. En 2022, les entreprises françaises ont diminué leur usage de gaz de 9 %. Ce mouvement doit s’amplifier grâce à des subventions ciblées et l’adoption de technologies moins énergivores.
Accélérer le virage vers les renouvelables
Bien que le nucléaire reste central, le développement de l’éolien et du solaire est crucial pour diversifier les sources d’énergie et répondre à la demande croissante.
Une stratégie à long terme pour une souveraineté industrielle renforcée
La crise actuelle peut devenir une opportunité. Relocaliser des industries stratégiques, notamment dans les secteurs liés à la transition écologique (hydrogène, batteries, matériaux décarbonés), est essentiel pour réduire la dépendance énergétique et créer de nouveaux moteurs de compétitivité. Pour cela, des mesures incitatives telles qu’un accès préférentiel à une énergie à tarif compétitif ou des avantages fiscaux ciblés doivent être mises en place.
Une taxe carbone ajustée aux frontières européennes pourrait également protéger les entreprises locales des distorsions de concurrence face à des importations à bas coût, souvent issues de pays aux normes environnementales moins exigeantes.
Vers un modèle industriel durable et compétitif
La flambée des coûts énergétiques a révélé la fragilité du modèle industriel actuel. Mais elle offre aussi l’occasion de construire une industrie résiliente, durable et alignée sur les ambitions climatiques. En capitalisant sur ses atouts — énergie nucléaire, savoir-faire industriel, innovation technologique — et en investissant dans des infrastructures modernes, la France peut transformer cette crise en catalyseur de renouveau.
Le défi est immense, mais il pourrait redéfinir la place de la France dans l’économie mondiale, en faisant de son industrie un modèle d’excellence et de durabilité.