Biomasse : réorienter l’usage du bois et des biocarburants pour décarboner la France

Le rapport récemment publié par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) jette un pavé dans la mare. Il met en lumière l’urgence de redéfinir l’usage de la biomasse en France, au cœur d’un débat sur la décarbonation de l’économie. Si les biocarburants et le chauffage au bois ont longtemps été présentés comme des alternatives vertes, ce nouveau rapport remet en question certaines pratiques établies, estimant qu’elles ne sont plus compatibles avec les ambitions climatiques de la France.

Objectifs de réduction des émissions : un chemin semé d’embûches

La France est sous pression pour respecter les objectifs européens de réduction des émissions de CO2, avec une baisse exigée de 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Pourtant, le dernier « Plan National Intégré Énergie Climat » (Pniec) envoyé à la commission européenne ne prévoit qu’une réduction de 50 %, soulignant les difficultés persistantes.

En 2023, les émissions françaises atteignent encore 373 millions de tonnes de CO2, après une réduction de 166 millions de tonnes depuis 1990. Cependant, il reste à accomplir une baisse de 105 millions de tonnes en seulement sept ans, un défi monumental qui requiert une réorientation stratégique sur l’utilisation des ressources naturelles, dont la biomasse.

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Biomasse : quelle priorité pour quelle utilisation ?

La biomasse, qui inclut le bois, les cultures énergétiques comme le colza, et les déchets organiques utilisés pour produire du biogaz, est un pilier des énergies renouvelables en France. Pourtant, le SGPE sonne l’alarme : les ressources en biomasse ne sont pas infinies, et les choix d’utilisation devront être drastiquement réévalués.

Les chiffres sont clairs : pour atteindre les objectifs de 2030, la production de bioénergies doit augmenter d’un quart, nécessitant 28 millions de tonnes de biomasse supplémentaire. Toutefois, ces ressources sont déjà largement mobilisées pour l’alimentation humaine et animale, le maintien de la qualité des sols agricoles, et d’autres usages industriels. Cette situation impose des arbitrages complexes : doit-on privilégier le chauffage au bois ou l’utilisation du bois dans la construction pour stocker durablement le carbone ? Les biocarburants pour les voitures électriques sont-ils vraiment nécessaires alors que des alternatives existent ?

Le feu de cheminée

Dans ce contexte, des pratiques traditionnelles comme le feu de cheminée sont remises en question. Le SGPE préconise de limiter l’utilisation du bois de chauffage dans les cheminées ouvertes, où l’efficacité énergétique est faible, au profit de poêles modernes ou de chaufferies industrielles. Le bois, ressource précieuse, devrait être réservé aux usages les plus efficaces en termes de décarbonation, voire être remplacé par d’autres formes d’énergie renouvelable dans les zones où cela est possible.

Faire plus avec moins : le défi de la sobriété énergétique

En plus de ces réorientations, la France doit viser une réduction de 11 % de sa consommation énergétique d’ici 2030, passant de 1 771 à 1 566 térawattheures. La diversification des sources d’énergie, y compris l’énergie solaire et éolienne, devient cruciale, mais celles-ci ne suffiront pas à elles seules. Le recours à la biomasse reste incontournable, mais les arbitrages devront être faits avec soin pour ne pas compromettre d’autres secteurs essentiels.

Un appel à la concertation

Ce rapport du SGPE, bien qu’ambitieux, ne fait pas l’unanimité. Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables, regrette que les acteurs de la filière n’aient pas été suffisamment consultés. Il estime que certaines évaluations, notamment en ce qui concerne le potentiel du biogaz et du bois de chauffage, sont trop pessimistes. Selon lui, la solution réside dans une approche équilibrée, concertée avec tous les acteurs de la biomasse et des énergies renouvelables.

Un virage décisif

La France se trouve à un carrefour décisif dans sa transition énergétique. Le rapport du SGPE pose les bases d’un débat crucial sur l’utilisation des ressources naturelles du pays. Des choix difficiles devront être faits pour concilier impératifs écologiques, besoins énergétiques et contraintes économiques. Face à la raréfaction des ressources en biomasse, la question n’est plus seulement de produire plus, mais de produire mieux et de façon plus ciblée. Le prochain gouvernement aura la lourde tâche de transformer ces recommandations en actions concrètes, dans un contexte où chaque tonne de CO2 économisée compte.

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