Hydroélectricité en France : un potentiel bridé malgré des besoins croissants

L’hydroélectricité, pilier historique des énergies renouvelables en France, traverse une phase de stagnation en matière d’augmentation de capacité, malgré les objectifs ambitieux du pays en matière de transition énergétique. Bien que représentant encore la principale source d’énergie renouvelable en France, cette filière peine à se renouveler et à croître, confrontée à des défis environnementaux, politiques et réglementaires.

L’abandon du projet Rhônergia : un symbole de blocage

Le débat autour du projet Rhônergia, un barrage de 37 MW prévu sur le Rhône à une quarantaine de kilomètres de Lyon, incarne les difficultés auxquelles fait face l’hydroélectricité en France. Malgré des précautions prises par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour minimiser son impact environnemental, l’État a finalement rejeté le projet en raison de la crainte de perturbations pour la centrale nucléaire du Bugey, ainsi que pour les futurs réacteurs EPR2 prévus à proximité. Ce cas illustre les enjeux de concilier développement de l’hydroélectricité et préservation des autres activités industrielles et écologiques.

Ce rejet met également en lumière une réalité préoccupante : les projets de grande envergure, comme celui de Rhônergia, sont de plus en plus rares en France. En effet, la majorité des sites hydroélectriques exploitables ont déjà été mis en service au XXe siècle, laissant peu de marges pour de nouveaux développements, particulièrement sur de grands fleuves comme le Rhône.

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Un parc conséquent mais des ambitions à la peine

Aujourd’hui, la France dispose d’un parc hydroélectrique important avec 10,3 GW de centrales de lacs, 6,7 GW de centrales au fil de l’eau, 4,1 GW d’éclusées et 4,6 GW de stations de transfert d’énergie par pompage (Step). En fonction des précipitations annuelles, ces installations produisent entre 50 et 68 TWh, ce qui en fait une source d’énergie stable, mais avec une progression limitée.

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui oriente la stratégie énergétique de la France, vise à porter ce parc à 28,7 GW d’ici 2030, soit une augmentation de 3 GW. Cependant, la réalisation de cet objectif semble difficile. Selon une étude actualisée, seuls 653 MW de nouveaux projets seraient potentiellement réalisables, et en tenant compte des contraintes environnementales, ce chiffre chute à 384 MW. Si l’on ajoute l’équipement de seuils existants, on atteint 368 MW supplémentaires, mais ces projections sont bien en deçà des besoins exprimés dans la PPE.

Des projets freinés par les blocages réglementaires

Outre les difficultés d’implantation de nouveaux projets, les investissements sont également freinés par un blocage réglementaire persistant. Depuis plus de 10 ans, un contentieux oppose la France à la Commission européenne concernant le renouvellement des concessions hydroélectriques. Bruxelles exige l’ouverture de ces concessions à la concurrence, tandis que la France souhaite maintenir les exploitants actuels, principalement EDF, la Société Hydroélectrique du Midi (SHEM) et la CNR. Ce bras de fer empêche d’importants investissements nécessaires à la modernisation des centrales existantes, ce qui ralentit l’augmentation de la puissance du parc.

Pour pallier cette stagnation, l’accent pourrait être mis sur l’optimisation des centrales existantes. Le potentiel est estimé à 510 MW pour l’optimisation des centrales et à 3 MW pour le turbinage du débit réservé, soit un total de 513 MW. Un autre gisement pourrait venir de l’équipement des moulins à eau, avec un potentiel évalué entre 300 et 800 MW. Toutefois, ces solutions ne suffiront pas à elles seules pour atteindre les objectifs fixés pour 2030.

Vers un modèle d’optimisation plutôt que d’expansion

Face à ces contraintes, la filière hydroélectrique en France devra probablement se concentrer davantage sur l’optimisation des sites existants plutôt que sur la construction de nouveaux ouvrages. La modernisation des infrastructures et l’intégration de technologies plus performantes semblent être la voie la plus pragmatique pour accroître la production d’énergie hydroélectrique tout en limitant l’impact environnemental.

En parallèle, les projets de stations de transfert d’énergie par pompage (Step), qui permettent de stocker l’énergie et de la redistribuer en fonction des besoins, offrent un potentiel de croissance important. EDF prévoit d’ajouter 2 GW de Step d’ici 2035, ce qui pourrait grandement contribuer à atteindre les 3 GW supplémentaires escomptés dans la PPE.

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