Passoires thermiques et inadaptation des dispositifs actuels
Les passoires thermiques, fortement incitées à la rénovation en raison des restrictions croissantes en matière de location et des factures énergétiques élevées, sont les grandes perdantes de la réforme. En effet, elles ont été rendues inéligibles au parcours par geste, une procédure qui permet d’intervenir étape par étape pour améliorer la performance énergétique du logement. L’imposition du parcours accompagné, avec ses exigences multiples (gain minimal de deux classes, réalisation d’au moins deux gestes d’isolation), a dissuadé de nombreux propriétaires, d’autant plus que la mise en place de ces travaux coûte en moyenne 60 000 euros, un budget hors de portée pour beaucoup.
L’un des arguments avancés pour justifier l’inéligibilité des passoires thermiques au parcours par geste repose sur la théorie selon laquelle l’installation d’une pompe à chaleur (PAC) dans ces logements serait contre-productive avant des travaux d’isolation. Pourtant, des retours d’expérience montrent que les PAC s’adaptent parfaitement aux besoins de chauffage même dans des logements peu isolés, permettant de réduire significativement la facture énergétique tout en augmentant le confort thermique.
Le graphique ci-dessus montre une grande disparité dans les performances thermiques des logements classés F et G en fonction de leur système de chauffage. Les logements chauffés à l’électricité (barres bleues) affichent souvent de meilleures performances, avec une valeur Ubat inférieure à la moyenne nationale de 1,1 W/m².K, tandis que ceux chauffés au gaz ou à un autre combustible dépassent souvent le seuil critique de 1,7 W/m².K.
Des exigences excessives et contre-productives
Le décret du 29 mars 2024 introduit des obligations contraignantes dans le cadre du parcours accompagné. Au-delà des deux gestes d’isolation systématiquement imposés, les ménages doivent recourir aux services d’un Accompagnateur Rénov’ (MAR). Bien que le recours à cet expert vise à conseiller les ménages dans leurs choix de travaux, l’accumulation de ces obligations a joué un rôle dissuasif pour beaucoup. De plus, en imposant des travaux d’isolation non prioritaires, particulièrement pour ceux souhaitant moderniser leur système de chauffage, le dispositif aboutit parfois à des situations où les projets ne voient tout simplement pas le jour.
Repenser le parcours par geste pour les passoires thermiques
La rénovation d’ampleur, visant des gains énergétiques immédiats et substantiels, est une solution attractive sur le papier. Cependant, pour les logements les plus énergivores, la flexibilité du parcours par geste reste incontournable. Permettre aux propriétaires de réaliser des travaux progressifs, comme l’installation d’une PAC avant d’entreprendre des travaux d’isolation, pourrait redynamiser les rénovations énergétiques dans les passoires thermiques.
La réforme de MaPrimeRénov’ doit évoluer pour devenir plus inclusive et mieux adaptée aux réalités du parc immobilier français. Le parcours par geste doit redevenir une option, particulièrement pour les passoires thermiques, afin d’éviter que les propriétaires ne se tournent vers des solutions moins écologiques et non subventionnées, comme les chaudières à gaz. L’objectif final reste de massifier les rénovations pour atteindre les objectifs climatiques de la France, mais cela nécessitera des ajustements pragmatiques pour soutenir l’ensemble des ménages, quel que soit leur profil énergétique.