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TotalEnergies : entre réduction du méthane et expansion des hydrocarbures, une stratégie controversée
TotalEnergies, acteur majeur de l’industrie pétrolière et gazière, a récemment annoncé son ambition de réduire de 80 % ses émissions de méthane d’ici 2030, conformément aux recommandations de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE). Cette décision, qui s’inscrit dans les engagements climatiques du groupe, intervient alors que la société projette également une augmentation de sa production d’hydrocarbures. Cette contradiction entre la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre et celle de continuer à exploiter massivement les énergies fossiles fait l’objet d’une attention particulière, notamment de la part d’une commission d’enquête sénatoriale.
Un engagement ambitieux sur le méthane, mais des interrogations subsistent
Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, responsable de près de 30 % du réchauffement climatique depuis l’ère industrielle, et les industries énergétiques sont à l’origine d’environ 40 % de ces émissions. Bien que sous-estimé par le passé, le problème des fuites de méthane est désormais au cœur des discussions environnementales, notamment depuis la COP26, où une centaine de pays ont pris l’engagement de réduire leurs émissions de méthane de 30 % d’ici 2030.
Dans cette dynamique, TotalEnergies vise une réduction plus agressive avec des objectifs de 50 % de réduction des émissions de méthane d’ici 2025, puis 80 % d’ici 2030. Pour atteindre ce but, la société a lancé des campagnes de détection de fuites sur ses 150 sites de production à l’aide de drones, et a partagé sa technologie de détection avec des compagnies nationales via le système AUSEA. Ces actions montrent une volonté d’agir, mais un rapport du Sénat souligne que TotalEnergies sous-estime encore l’ampleur des fuites de méthane lors de la production et du transport du gaz naturel liquéfié (GNL). Cette situation invite à réfléchir sur la réelle portée des efforts du groupe dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Une production d’hydrocarbures en hausse, malgré les alertes
Au-delà du méthane, la politique énergétique globale de TotalEnergies suscite des critiques. Alors que l’AIE recommande de ne pas engager de nouveaux projets d’exploitation pour limiter le réchauffement à 1,5 °C, le groupe annonce une augmentation de sa production d’hydrocarbures d’ici à 2030. Cette annonce entre en conflit direct avec les objectifs climatiques mondiaux et a suscité l’indignation d’experts comme François Gemenne, politiste et membre du GIEC, qui regrette que TotalEnergies n’ait pas profité de ses profits pour réorienter massivement ses investissements vers les énergies renouvelables.
De plus, cette stratégie alimente un discours dissonant entre l’image que TotalEnergies veut projeter et ses actions concrètes. Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et ancienne coprésidente du GIEC, pointe cette divergence, rappelant que les énergies fossiles continuent de représenter 84 % du mix énergétique mondial. En d’autres termes, la transition énergétique semble stagner face à l’appétit pour l’exploitation des ressources fossiles.
Le rapport du Sénat et l’avenir de l’énergie en France
Face à ces préoccupations, une commission d’enquête du Sénat, initiée par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires (GEST), a été mise en place. Son objectif est d’évaluer les moyens dont dispose l’État pour s’assurer que TotalEnergies respecte ses obligations climatiques. Parmi les 33 recommandations du rapport figure une meilleure surveillance des fuites de méthane, mais aussi un appel à redéfinir la stratégie énergétique française. Ce dernier point soulève une question cruciale : comment concilier la nécessité de maintenir la souveraineté énergétique de la France avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
L’urgence de réduire la dépendance aux énergies fossiles
Les experts sont unanimes : pour éviter que le réchauffement climatique ne dépasse le seuil critique de 1,5 °C, il est impératif de réduire drastiquement la consommation d’énergies fossiles. Une étude publiée dans la revue Nature en 2021 estime qu’au moins 60 % des réserves mondiales de pétrole et de méthane, et 90 % des réserves de charbon, ne devraient jamais être exploitées si nous voulons respecter nos objectifs climatiques. Pourtant, les récents projets d’exploitation pétrolière et gazière approuvés en 2022 et 2023, dans près de 60 pays, montrent que les industries et les gouvernements peinent à tourner le dos à ces ressources.
Un futur incertain
TotalEnergies est loin d’être le seul acteur à prolonger l’exploitation des énergies fossiles, mais son rôle en tant que leader mondial le place sous le feu des critiques. L’annonce de la découverte en Antarctique de réserves massives de pétrole, équivalentes à plus de 500 milliards de barils, soulève la question de l’avenir énergétique de la planète. Si cette région est actuellement protégée par le protocole de Madrid, l’appétit des grandes puissances, notamment la Russie, pourrait bien bouleverser cet équilibre.
En somme, le double discours de TotalEnergies sur la réduction des émissions de méthane tout en poursuivant ses investissements dans les hydrocarbures reflète une situation paradoxale : une volonté affichée de s’engager dans la transition énergétique, mais un ancrage encore trop profond dans le passé fossile. La question reste donc posée : jusqu’où les multinationales comme TotalEnergies sont-elles prêtes à aller pour répondre à la fois aux impératifs climatiques et à la demande énergétique mondiale ?
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